Disponible sur Netflix depuis le 21 décembre, Bird Box fait déjà grand bruit, je me suis donc laissée tenter par ce film qualifié par Netflix de « thriller horrifique ». Beaucoup de bruit pour rien.
Le film nous raconte l’histoire de Sandra Bullock, qui tente d’échapper au grand mal qui ronge le monde : une présence invisible qui pousse la population au suicide. Seule solution : fermer les yeux, littéralement. Le ton est donné, on va s’en prendre plein la vue. Ha, en fait, non.
*Attention spoilers.*
Maternité et monde qui s’effondre : presque une pub pour Durex
Sandra Bullock est enceinte mais n’en a visiblement pas très envie et se retrouve rapidement dans une maison avec d’autres personnes tentant de survivre. Le film se découpe en 3 séquences temporelles distinctes, sur un total de 5 années : avant, pendant et après.
L’avant nous montre Sandra Bullock en mère qui dénie sa grossesse et envisage de faire adopter son rejeton.
Le pendant nous montre la survie des personnages dans la maison après la catastrophe.
L’après nous montre Sandra Bullock qui tente de survivre seule avec ses enfants (mais toujours impeccablement maquillée et coiffée, une super maman quoi).
On pourrait presque comparer ces 3 séquences à l’effondrement de la vie de couple, suite à l’arrivée de bébé : déni–tentative de survie du couple (Sandra Bullock trouve quand-même un père de substitution en l’un des survivants, c’est beau la vie de parents) – rupture, on fini seul.
Un film horrible, certes, horriblement mauvais.
Étonnant que l’intégralité de l’histoire ne se déroule pas sur 9 mois, cela aurait ajouté à la niaiserie ambiante de ce film pour mères célibataires.
Regarder la réalité en face tue
Alors que nous raconte ce film ? Au delà du simple survival movie, Bird Box nous fait un exposé de la condition humaine, mais de façon simpliste, voire même dangereuse.
Le titre lui-même, Bird Box, laisse entendre que l’humain s’enferme, est emprisonné dans la cage de sa propre condition humaine, comme viennent nous le rappeler les oiseaux en cage du film. Image simpliste, malhabile et tellement peu subtile. Une mention en sous titre « ceci est la représentation de la condition humaine » aurait été moins grossière.
Mais passons, nous sommes prisonniers de notre condition humaine et de nos propres peurs, ok, jusqu’ici rien de fou, mais ça tient à peu près la route.
Sauf que voilà, dans le film, ouvrir les yeux, au sens littéral, tue. Et c’est là qu’on entre dans une absurdité sans fin.
La présence maléfique et bien évidemment invisible semble mettre en avant nos plus grandes peurs, ce qui nous pousserait à nous suicider. Moralité : ferme les yeux sur ta propre condition, fuis tes craintes et surtout ne les affronte jamais et tu vivras. Quelle belle leçon de vie donner à nos enfants.
L’inconnu c’est le mal
Une fois encore, au sens littéral du terme : ouvrir sa porte aux inconnus tue. L’inconnu incarne le mal, le mauvais, l’intrusion, ce qui doit être éliminé. On a l’impression d’écouter un discours de Trump.
Seule inconnue inoffensive à qui les protagonistes ouvrent la porte de la maison : une autre femme, seule, affaiblie et… enceinte elle aussi. Moralité : les gens diminués sont inoffensifs. Une soudaine nausée me prend, et pas matinale celle-ci.
Un film pour mères célibataires
Sandra Bullock incarne une mère en devenir qui ne semble pas avoir développé d’instinct maternel. Elle incarne une femme qui vit la maternité et tous les tumultes qui l’accompagnent. Tumultes une fois encore représentés, de façon absurde, grossière, presque infantile, par les rapides de la rivière sur laquelle elle vogue dans sa barque. Dommage que personne n’y joue du banjo, on se serait crus dans Délivrance.
Ici la maternité est une affaire de femmes qui doivent affronter leurs conditions de mère en devenir seules, parce-que les hommes, eux, meurent, sont faibles et alcooliques, absents, ou représentent une menace.
Ce que le film nous livre comme message, au final, est que la maternité n’est pas innée mais se construit et se forge au fil du temps. Élever des enfants seule est extrêmement difficile et relève du parcours du combattant, et souvent dans ce cas, on tâtonne, on avance à l’aveugle et on fait face à des peurs jusque là inconnues. Révélation de l’année, je reste sans voix mais les yeux bien ouverts, face à ce message vide, creux, insipide.
Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois
La fin du film est elle aussi un condensé de métaphores et autres messages de vie absolument médiocres. Sandra Bullock arrive dans un refuge, sorte de jardin d’Eden, gouverné par… des aveugles. Et elle ouvre enfin les yeux sur sa maternité et fini par l’accepter, en donnant un vrai prénom à ses deux enfants (dont un n’étant pas le sien, mais c’est pas grave), jusqu’ici prénommés fille et garçon.
Mais au-delà de la maternité assumée, ce jardin d’Eden est une autre cage, plus belle certes, on se croirait dans un filtre Instagram, mais une cage quand même. Les oiseaux prennent leur envol, les enfants aussi et tout le monde est beau et gentil… dans un environnement totalement clos et hermétique à la réalité chaotique du monde.
Un vrai post Instagram. La condition humaine n’a pas changé, seul effort fourni dans cet environnement : embellir la réalité, pour mieux la supporter. Une ode au déni, à la lâcheté et à l’acceptation docile. Jamais personne dans ce film ne tente de comprendre pourquoi la situation est telle, et pire encore, personne ne tente de l’endiguer. Une soumission passive déguisée en lutte pour la survie. Mes yeux en pleurent encore.
Je suis venue, j’ai vu, on ne m’y reprendra plus
Alors j’entends déjà les gazouillements des spectateurs pris au piège, comme de pauvres piafs en cage et aveuglés par ce navet insipide : « ce film est magnifique, quel suspense, les enfants sont adorables, une tension insoutenable, un message sublime. »
Et oui, vous venez de regarder un bon gros blockbuster bien marketté par Netflix. Un sous genre de Pas un Bruit, une contrefaçon d’Annihilation, un film qui représente tout ce que le genre horreur n’est pas.
Et j’entends déjà les parallèles avec Get Out : « le genre prend un nouveau souffle », « les films tels que Get Out ou Bird Box rendent leurs lettres de noblesse au genre ».
Voilà le grand mal invisible qui réapparait et qui va tuer le genre : l’aveuglement par le mauvais goût.
Ouvrez les yeux bon sang, retirerez ce bandeau de m’as-tu-vu que ce film vient de vous poser sur les yeux et rendez-vous compte de la réalité : ce film est mauvais. Grattez la surface du film vendu comme un film de « trouille » et tout s’effrite, une coquille vide.
Ou alors fermez les yeux et faites simplement l’impasse sur ce film, mais de grâce, ne vous enfermez pas dans cette cage de médiocrité.
Note : zéro tronçonneuses, parce-que ce film est mauvais, un point c’est tout.
A VOIR SI :
- Si vous aimez porter des œillères
- Vous voulez un tuto make-up « comment être impeccable même en cas de fin monde »
- Vous voulez savoir « c’est quoi ce méchant invisible qui fait voler les feuilles mortes un peu comme la fumée noire dans Lost »
A NE PAS VOIR SI :
- Vous avez des enfants et faites du canoé tous les dimanches
- Vous vous attendiez à un film de type Les Oiseaux d’Hitchcock
- Vous n’êtes pas une mère célibataire
Crédit photos IMDb